Publié le 10 octobre 2023 Mis à jour le 20 octobre 2023
le 5 octobre 2023

La parution de Le Monde ou rien - Histoire d'un concept géographique est l'occasion de présenter la dernière collection des Presses universitaires de Lyon, "Espaces critiques", dirigée par Philippe Pelletier, professeur émérite de géographie à l'Université.

Ouvrir le débat sur notre rapport à un monde en crise

Depuis des millions d'années, les êtres humains habitent la Terre, ils y ont fait société. Or, les sociétés, et les mouvements sociaux qui en découlent, sont caractérisés par les espaces qu'ils occupent et qui les conditionnent en retour. Ces espaces deviennent critiques par la cristallisation d'intérêts divergents qui s'y rencontrent. Ce sont donc les rapports entre les espaces et les hommes et les femmes qui les occupent qui sont au coeur de cette nouvelle collection de géographie.

La collection « Espaces critiques » publie des textes courts, propose des essais théoriques comme des enquêtes de terrain et entend renouveler la démarche géographique de concert avec d’autres disciplines (anthropologie, histoire, science politique, économie, écologie).

"Le Monde ou rien - Histoire d'un concept géographique" de Vincent Capdepuy

Pour les géographes actuels, le monde renvoie à la planète terre, tandis que le Monde avec majuscule renvoie à la manière dont l’humanité l’habite.
Pourtant, on parle aussi de monde occidental ou de monde asiatique : existerait-il plusieurs mondes ? Aujourd’hui, cette manière d’habiter est marquée par la mondialisation, mais ce processus renvoie-t-il uniquement à des questions économiques ? Et pourquoi ne pas utiliser d’autres mots comme internationalisation, universalisation, globalisation, voire même planétarisation ?
Docteur en géographie, Vincent Capdepuy s’appuie sur un choix de textes original, de Strabon qui, dans l’Antiquité, nous parlait déjà de l’Oikouméné, la « terre habitée », au Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, qui, en décembre 2022, nous rappelait qu’« il n’y a pas de planète B ». Il retrace ainsi l’histoire du mot « monde » pour nous aider à mieux l’habiter.
 

(Re)définir la géographie

Le lancement de cette collection et le choix des Presses universitaires de Lyon de la rattacher à la discipline Géographie est l'occasion de demander à Philippe Pelletier, professeur émérite de géographie de notre Université, une définition de la géographie.
 
« La géographie est une science-limite puisque le réel dont elle s'occupe ne peut être entièrement objectivé : c'est un savoir. Elle a historiquement pour fonction de connaître le monde, c'est-à-dire les pays et les peuples qui les habitent, à l'intersection entre l'histoire et l'anthropologie. 
Généralement pilotée par les marchands, les gouvernements et les militaires, elle a permis et permet encore de repérer les ressources, de définir des territoires et de tracer leur aménagement. Mais cette forme de domination qui repose souvent sur les explorateurs, bon gré mal gré, s'oppose aussi à l'approche individuelle et humaniste telle qu'elle est pratiquée par le voyageur libre et qui s'exprime aussi par l'appréciation des paysages. 
De nos jours, la connaissance des espaces terrestres va au-delà d'un catalogue de lieux (villes, montagnes, cours d'eau, océans…) comme on le faisait jusqu'il y a peu. Elle semble acquise, ainsi que leur arpentage, leur bornage et leur cartographie, y compris grâce à des techniques de plus en plus sophistiquées (satellites, GPS, numérisation, systèmes d'information géographique, cartographie par ordinateur…). 
La géographie n'est plus seulement observation ou description, toujours utiles pour les touristes et voyageurs, mais aussi instrument au service des gouvernances, donc du politique au sens noble du terme (vie de la cité). Elle permet de prendre conscience du caractère planétaire ou mondial de notre habiter, sans pour autant soumettre l'injonction globalitaire (le marché mondial, la planète à sauver, l'ordre géopolitique…) à la réalité et à la nécessité de notre ici et maintenant (sans attendre les "générations futures" ou les consignes des dirigeants).
À la fois écriture de la terre au sens strict ainsi que lecture de cette écriture, ou encore lecture de cette lecture (ce qu'on appelle la métagéographie), la géographie montre qu'il n'y a pas de sens au monde, sauf celui qu'on lui donne, en opposition à toute philosophie de l'histoire. Mais elle risque d'être dépossédée par l'escalade technologique qui anéantit le sens de l'orientation et le repérage au sein des espaces ou des territoires, sans parler des dérives induites par la géo-ingénierie qui, sous prétexte d'amélioration, nous prive du sens tactile de la Terre. »
Docteur en géographie, diplômé en langue et civilisation japonaises, Philippe Pelletier est professeur émérite de l’Université Lumière Lyon 2 et membre de l’UMR 5600 Environnement, Ville, Société. 
 
Ancien co-directeur du Festival International de Géographie (2013, 2014, 2015, 2016), ses travaux et publications portent sur la géographie du Japon, la géopolitique, la métagéographie, l’histoire idéologique de l’interface nature-société ainsi que sur les rapports entre géographie et écologie.
Parmi ses dernières publications : L’Invention du Japon, masques de la tradition, réalités de la modernité (Cavalier bleu, 2023), Géopolitique du Japon, l’empire insulaire (PUF, 2023), Écologie et géographie, une histoire tumultueuse (XIXe-XXe siècle) (CNRS Éditions, 2022), Le Puritanisme vert, aux origines de l’écologisme (Le Pommier, 2021), Noir & vert, anarchie et écologie, une histoire croisée (2020, Le Cavalier bleu), Effondrement & capitalisme vert, la collapsologie en question (Nada, 2020).

Informations pratiques

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Les Presses universitaires de Lyon (PUL), maison d'édition, publient depuis 1976, des ouvrages de sciences humaines et sociales. Leur catalogue, qui compte plus de 1 000 titres, s'enrichit d'une vingtaine de nouveautés par an et couvre de nombreux champs : la littérature, l'esthétique, l'histoire, la sociologie, l'anthropologie, la science politique, l'épistémologie ou encore les études de genre.