“Femmes de Lyon" : une analyse de données publiques

La sous-représentation des femmes dans les mémoires, dans l’histoire et dans l’espace urbain est une problématique avérée et traitée académiquement depuis près d’une cinquantaine d’années. La question de savoir comment elle peut être envisagée à l’ère du numérique est à l’origine de notre engagement. À partir du constat d’un discours historique biaisé véhiculé à travers les dédicaces des espaces publics, et grâce à l’index des voies de Lyon conçu et publié par les Archives municipales de Lyon, nous avons entrepris une étude de l’odonymie de la ville au prisme du genre et des humanités numériques afin d’analyser la présence et la répartition des femmes dédicacées dans les rues lyonnaises. Le constat est accablant :

Ce seul chiffre, aussi percutant soit-il, ne suffit pas à saisir la complexité réelle du phénomène et ses subtilités. On note par exemple que parmi les voies dédiées à des personnalités, seulement 8,8% des rues et 0% des boulevards sont dédiés à des femmes ; en revanche, 57% des jardins, 66,7% des parvis et 100% des aires sont dédiés à des femmes… car seule une aire est dédiée à une personnalité, en l'occurrence féminine. La représentation des femmes par type de voies, mais aussi l’évolution dans le temps des attributions de dédicaces féminines, les thématiques historiques et époques au sein desquelles les femmes sont plus ou moins représentées, ou encore la répartition des dédicaces féminines entre les différents arrondissements de la ville de Lyon sont autant de problématiques annexes, mais constitutives de cette inégale visibilité des personnalités féminines et masculines de l’histoire. Les envisager peut permettre de mieux orienter les initiatives visant à pallier ce problème. Ce sont toutes aussi des questions auxquelles peuvent répondre les outils informatiques de traitement et de visualisation de données qui, au-delà de confirmer l’évidence par des chiffres concrets, proposent d’autres méthodologies qui jettent sur le sujet une lumière nouvelle. 

Quel rôle joue la rue dans la construction et l’entretien de la mémoire ? Comment les politiques d’attribution des dédicaces des voies influent-elles sur la représentation des femmes dans l’espace urbain ? Dans quelle mesure la toponymie de la ville reconduit l’invisibilisation des femmes dans l’histoire ? Comment dépasser cette invisibilisation dans l’espace numérique ? Que faire lorsque l’étude du genre se heurte à la binarité et comment nos conceptions de ces deux catégories "hommes" et "femmes"  se retranscrivent-elles dans l'espace du numérique ?

Toutes ces questions et bien d’autres seront abordées lors d’une conférence aux Archives Municipales de Lyon le jeudi 7 mars 2024 à 18h, veille de la journée internationale des droits des femmes. Toute personne curieuse, amatrice et/ou spécialiste des questions de genre et d’histoire, d’humanités numériques et de mémoire urbaine est chaleureusement conviée à cet événement afin d'échanger ensemble autour de ces questions.

Pour retrouver les résultats détaillés de ce projet de recherche, les méthodologies mobilisées, une cartographie des rues de Lyon dédiées à des femmes ainsi qu’une galerie de portraits féminins de l’histoire de la ville régulièrement mise à jour, rendez-vous sur notre carnet Hypothèses en ligne “Femmes de Lyon” ou sur le compte instagram @datafeminhist.

L'odonymie est la branche de la toponymie qui s'intéresse aux noms de voies, notamment rues, avenues, boulevards, impasses, etc., et plus généralement aux noms d'espaces publics ouverts.